Selon une étude de Statistique Canada, près de la moitié des femmes (44 %) ont déjà subi une forme de violence de la part de leur partenaire intime. Parmi ces violences, la violence économique est l'une des plus sournoises. Moins visible que la violence physique, elle est souvent le point de départ du cauchemar de la violence conjugale. Car c’est par la domination financière que l’abuseur empêchera sa victime de s’échapper.
Qu’est-ce que la violence économique?
La violence économique vise à contrôler et dominer financièrement son partenaire. En privant sa victime d’argent ou en contrôlant ses activités économiques, l’abuseur cherche à détruire son autonomie financière. Il espère que cette dépendance empêchera sa victime de quitter une relation abusive.
Les différentes formes de violence économique
La violence économique est sournoise, progressive, et parfois invisible, même pour la personne qui en est victime. Elle prend différentes formes et peut débuter subtilement. D’où l’importance de reconnaitre les signes très tôt dans une relation.
Voici quelques-unes des stratégies adoptées par un abuseur :
1. Créer une dépendance financière
L’abuseur convainc sa victime qu’il peut la supporter financièrement, qu’elle n’a pas besoin de travailler. Si la victime décide de conserver son emploi, il peut aller jusqu’à saboter son travail pour qu’elle soit congédiée. Il peut aussi utiliser les enfants pour justifier qu’elle reste à la maison.
2. Réduire l’accès à l’argent
Une victime d’abus financier a généralement un accès limité à l’argent. Par exemple, elle peut se faire remettre une allocation plutôt qu’avoir accès aux comptes bancaires. Et ce, même si elle est salariée. Au fil du temps, cette allocation peut être réduite afin d’augmenter sa dépendance.
Un abuseur peut également :
- Contrôler l’accès aux comptes de banque.
- Contrôler le budget.
- S’approprier le salaire de la victime.
- Cacher l’état des finances.
- Ne pas consulter son partenaire avant de prendre des décisions financières.
- Investir l’argent du couple sans informer son partenaire.
- Ridiculiser ou blâmer son partenaire pour ses achats.
- Utiliser l’argent de la victime pour ses propres dépenses.
- Mettre tous les achats du couple à son nom.
Plus subtilement, l’abuseur peut aussi donner de l’argent « sur demande ». Mais il veillera à ce que sa victime soit consciente que c’est grâce à lui qu’elle peut dépenser. Il répètera que, sans lui, elle ne pourrait maintenir son rythme de vie ou boucler son budget.
3. Surveiller les activités économiques
Un abuseur peut également « garder un œil » sur les finances de sa victime. Par exemple, en exigeant des reçus pour toutes ses dépenses, même personnelles. Il peut aussi exiger de voir ses relevés d’emploi et réviser ses investissements.
4. Profiter de l’argent de sa victime
Un abuseur peut aussi choisir de vivre aux dépens de sa victime, sans assumer sa part de responsabilité financière. Il peut utiliser sa carte de crédit sans permission, ne pas rembourser ses achats, et même ruiner volontairement le dossier de crédit de sa victime. Il peut aller jusqu’à voler son identité pour contracter des prêts ou demander des cartes de crédit.
Comment se protéger des abus économiques?
Comme toujours, il est plus facile de prévenir que de guérir. Heureusement, différentes stratégies permettent d’éviter la violence économique.
Par exemple :
- Préservez votre autonomie financière en possédant un compte personnel, un salaire ou l’accès libre à l’argent du couple.
- Discutez des finances de votre couple et des achats pour la famille. Décidez à deux des priorités financières.
- Assurez-vous d’avoir accès au budget, de pouvoir vérifier les revenus et dépenses du couple, le solde des comptes bancaires, les relevés de placements et les dossiers de crédit.
- Si vous vivez en union de fait, soyez copropriétaire des biens immobiliers. Signez un contrat de vie commune pour identifier les biens et responsabilités de chacun. Assurez-vous également que le nom des deux conjoints est inscrit sur le bail.
- Même si une personne est responsable des finances dans le couple, vous devez avoir accès aux informations sans avoir à demander la permission. N’hésitez pas non plus à poser des questions sur les transactions ou les choix d’investissement.
- Veillez à bien comprendre les documents que vous signez et soyez libre de donner votre avis.
- N’acceptez pas les remarques et jugements qui remettent en question vos compétences financières.
- Développez vos connaissances sur les questions financières afin d’être en mesure de former votre opinion.
Attention! Dans bien des couples, un seul des partenaires est responsable des finances. Toutefois, ce n’est pas parce qu’une personne gère l’argent au quotidien qu’elle exerce un contrôle financier sur son conjoint. De plus, si une seule personne est rémunérée pour son travail, il ne s’agit pas nécessairement d’une situation de contrôle économique! Tout repose sur le respect des partenaires et l’accessibilité à l’information et aux ressources.
Où trouver de l’aide?
Si vous êtes victime de violence économique, il existe des ressources pour vous aider. N’hésitez pas à parler à une personne de confiance ou à contacter un organisme d’entraide comme SOS Violence conjugale au 514-873-9010 ou 1-800-363-9010. Vous trouverez également des ressources et des articles d'intérêt sur leur site web.
En conclusion
La violence économique n’est pas un désaccord sur l’argent : c’est un mode de contrôle. Elle brime l’autonomie, étouffe la liberté de choix et alimente souvent d’autres formes de violence.
Si les femmes en sont majoritairement victimes, il est important de noter que les hommes aussi sont touchés par la violence économique. Toute personne, peu importe son genre, son orientation sexuelle ou sa situation économique, peut se retrouver piégée dans une relation marquée par le contrôle financier.
En parler, c’est briser le silence. En s’informant, on peut mieux se protéger — ou soutenir quelqu’un qui en a besoin. Il ne faut pas hésiter à trouver de l’aide!