Vous avez épargné toute votre vie pour préparer votre retraite. Cependant, cela ne représente qu’une partie de l’équation. Épargner, c’est bien, mais ce n’est pas tout! La stratégie d’accumulation du capital — incluant les choix d’investissement — est sans doute le principal moteur pour atteindre vos objectifs.
Cela dit, le plan de décaissement est un outil puissant, souvent sous-estimé. Il permet de :
- Réduire considérablement le capital nécessaire à accumuler pour la retraite
- Diminuer sensiblement le risque de longévité (vivre plus longtemps que ses épargnes)
- Profiter plus librement de sa retraite!
Élaborer un plan de décaissement sur mesure, basé sur une stratégie adaptée à votre situation, est donc essentiel. C’est justement ce à quoi l’on va s’attarder cette semaine… et la semaine prochaine!
1. Identifier les sources de revenus à la retraite
Au Québec et au Canada, plusieurs sources de revenus sont disponibles à la retraite. Avant toute chose, il est essentiel de dresser un portrait complet de VOS sources pour bâtir un plan de décaissement efficace. Voici les plus fréquentes :
Régimes gouvernementaux
- Pension de la sécurité de la vieillesse (PSV)
- Supplément de revenu garanti (SRG)/Allocation
- Régime de pensions du Canada (RPC)/Régime de rentes du Québec (RRQ)
Régimes d’employeurs
- Régime de pension agréé (RPA) — ex. RREGOP
- Régime de participation différée aux bénéfices (RPDB)
- REER collectif
- CELI collectif
- Régime volontaire d’épargne-retraite (RVER)
Régimes individuels
- REER/FERR
- CRI/FRV
- REER au conjoint
- Fonds de travailleurs (FTQ, CSN)
- CELI
- Placements non enregistrés
- Rentes viagères ou à durée déterminée
Autres sources de revenus de retraite
- Revenus d’emploi
- Revenus d’entreprise
- Revenus locatifs
2. Déterminer l’espérance de vie et le risque de longévité
L’espérance de vie correspond à l’âge où il reste 50 % de chances d’être toujours en vie. En planification financière, on utilise plutôt l’âge correspondant à une probabilité de survie de 25 %. Pourquoi? Pour se prémunir contre un risque de taille : survivre à son capital.
Consultez le tableau « Âge où la probabilité d’être en vie est atteinte »pour comparer votre espérance de vie à votre probabilité de survie. Pour ce faire, référez-vous à la ligne d’âge la plus proche de votre âge actuel. Par exemple, une personne de 57 ans consultera la ligne des 60 ans. Pour une femme de cet âge, l’espérance de vie est de 91. Mais elle a 25 % des chances de survivre jusqu’à 94 ans. En couple, on considère la probabilité qu’au moins l’un des deux atteigne un certain âge.
Vous pouvez consulter l’outil de l’Institut de planification financière pour des résultats personnalisés.
3. Évaluer les besoins financiers à la retraite
Vous devez d’abord répertorier vos sources de revenus et définir votre âge probable de décès. Ensuite, vous pourrez déterminer vos besoins financiers pour vivre la retraite de vos rêves. Vous pouvez partir de votre coût de vie actuel. Mais, une meilleure stratégie consiste à établir un budget projeté. Celui-ci tient compte des dépenses éliminées ou réduites à la retraite et de celles qui seront créées ou qui augmenteront!
On recommande souvent d’estimer entre 60 % et 80 % de votre revenu brut moyen des trois dernières années de travail. Cependant, chaque situation est unique. Prévoir une marge de sécurité de 5 % pour les imprévus est également judicieux.
Le coût de vie à la retraite est souvent plus élevé pendant les premières années, période où l’on est plus actif. Il tend ensuite à diminuer durant les années centrales, avant de remonter plus tard. La raison de cette remontée? Les frais liés aux résidences avec services et aux besoins de santé. Cette étape est le moment parfait pour réfléchir à vos projets : voyages, rénovations, loisirs, passions… Toutes ces aspirations doivent avoir leur place dans votre plan.
4. Utiliser la règle des 4 % ou non?
Peut-être avez-vous déjà entendu parler de la règle des 4 %, souvent évoquée dans le mouvement FIRE (Financial Independence, Retire Early). Elle suggère d’accumuler un capital équivalant à 25 fois vos dépenses annuelles prévues à la retraite, après avoir soustrait les revenus viagers. Cette stratégie vise à préserver votre capital tout au long de la retraite.
En planification financière, on privilégie toutefois une approche plus réaliste. Soit, décaisser progressivement votre capital jusqu’à l’âge de décès prévu, ce qui réduit significativement le montant à accumuler. Cette méthode augmente toutefois le risque de survivre à son capital. Alors, si vous avez une bonne capacité d’épargne, vous pouvez privilégier la règle des 4 %. Vous aurez ainsi accès à un coussin pour les imprévus… et plus de liberté pour les plaisirs de la vie!
5. Les rentes gouvernementales : des revenus viagers!
Une des premières grandes décisions à la retraite concerne le moment de demander la PSV et la rente du RRQ.
Pension de la sécurité de la vieillesse (PSV)
La PSV est accessible à partir de 65 ans. Il faut toutefois avoir vécu au Canada pendant au moins 10 ans après l’âge de 18 ans. Pour obtenir le montant complet, il faut compter 40 années de résidence au pays.
En 2025, la pension maximale est de 727,67 $ par mois. À 75 ans, une bonification automatique de 10 % s’ajoute. À noter : la PSV est réduite si votre revenu annuel dépasse 93 454 $ (2025).
Régime de rentes du Québec (RRQ)
La RRQ est un régime contributif. Employé et employeur cotisent chacun 6,4 % sur les revenus de 3 500 $ à 71 300 $. Pour la portion du revenu située entre 71 300 $ et 81 200 $, la cotisation de chacun est de 4 %.
À 65 ans, la rente maximale est de 1 433 $ pour une personne dont les revenus ont atteint le plafond de cotisation pour la majorité de sa carrière. Ce plafond est indexé chaque année en fonction de l’inflation.
Anticipation ou report : quoi choisir?
Demander la rente du RRQ avant 65 ans entraîne une réduction permanente. Par contre, reporter le début de la PSV ou de la rente du RRQ donne droit à une bonification à vie.
Vous pouvez demander la PSV dès 65 ans, ou la repousser jusqu’à 70 ans. Chaque mois de report donne une bonification à vie de 0,6 %. Cela correspond à 7,2 % par an, pour un total pouvant atteindre 36 %!
Pour la rente du RRQ, vous pouvez faire une demande anticipée dès 60 ans, ou attendre jusqu’à 72 ans. L’âge « normal » est 65 ans. Une demande avant cet âge réduit votre rente de 0,5 % à 0,6 % par mois, jusqu’à 36 % au total. Si vous reportez le début de la rente, vous obtenez plutôt une bonification à vie de 0,7 % par mois. Cela représente 8,4 % par an. Le montant total peut atteindre 58,8 %!
Évidemment, si vous choisissez de reporter la PSV ou le RRQ, il faudra combler le manque à gagner avec vos épargnes. À moins de vivre très sobrement ou de posséder un excellent fonds de pension, on doit prévoir cette période de transition. Cela dit, si vous vivez au-delà d’environ 81 ans pour la PSV et 84 ans pour le RRQ, le report aura été payant. La bonification devient alors un excellent bouclier contre le risque de longévité!
Mais attention! On ne recommande pas forcément le report si vous avez besoin de ces revenus dès 65 ans ou si votre espérance de vie est réduite.
Bref, ce n’est pas une décision simple. C’est justement là qu’un bon plan de décaissement peut faire toute la différence. Et la bonne nouvelle, c’est que vous n’avez pas à décider tout de suite. Les rentes de la PSV et du RRQ peuvent être demandées mensuellement. Vous pouvez donc vous ajuster au fil du temps, selon votre réalité du moment.
6. Déterminer l’ordre de décaissement des épargnes
Au Canada, les différents régimes d’épargne (REER, CELI, REEE, CELIAPP, CRI, FERR, etc.) n’ont pas tous le même traitement fiscal. Certains permettent de reporter l’impôt au moment du retrait. D’autres font pousser votre argent à l’abri de l’impôt.
Déterminer l’ordre optimal pour décaisser ces différents types d’épargnes est une des grandes forces d’un plan de décaissement personnalisé. Il peut avoir un impact majeur sur l’impôt à payer, la durabilité de votre capital et l’optimisation de vos revenus.
L’idée est de planifier combien retirer de chaque compte, à chaque étape de votre retraite, pour répondre à votre coût de vie. C’est d’ailleurs ici qu’on déterminera le moment idéal pour demander la PSV et la rente du RRQ.
Un bon plan inclut aussi le fractionnement du revenu de retraite entre conjoints. Cette stratégie réduit l’impôt total à payer pour le couple. Un outil fiscal à ne pas négliger!
La semaine prochaine!
Dans la deuxième partie de cet article, on passe à l’action! On présente des exemples chiffrés, des scénarios concrets, et on démontre l’impact significatif réel qu’un bon plan de décaissement peut avoir.
À suivre!